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la menace sismique en algerie et la prevention post sismique


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posté par bentafat_rachid

L'Algérie fait partie des zones particulièrement exposées : depuis le séisme d'El Asnam (1980 ; Ms 7.3), qui a pris plus de 2700 vies et détruit plus de 60 000 bâtiments, plusieurs séismes modérés, mais destructeurs, se sont produits comme, par exemple, ceux de Constantine (27 octobre 1985 ; Ms 5.7), Chenoua ( 29 octobre 1989 ; Ms 6.0), Mascara (8 août 1994 ; Ms 5.6), Alger (4 septembre 1996 ; Ms 5.6), Ain Temouchent (22 décembre 1999 ; Ms 5.6) et Beni Ourtilane (10 novembre 2000 ; Ms 5.5). Finalement, la région de Boumerdès a été touchée, le 21 mai 2003, par un séisme de magnitude 6.8 (Mw), qui a provoqué des dégâts considérables et provoqué la mort de plus de 2300 personnes.

Le LGIT travaille en Algérie sur plusieurs aspects liés à l'estimation des mouvements sismiques (lois d'atténuation, effets de site, microzonage) et de la vulnérabilité et de l'endommagement des bâtiments, et à celle de la vulnérabilité sociale de la société. Ce travail est effectué en collaboration très étroite avec le Centre National de Recherche en Génie Parasismique (CGS) d'Alger, avec la présence de deux chercheurs IRD en poste à temps plein au CGS. Le choix de cette collaboration n'est pas le fruit du hasard. Elle fait suite aux contacts établis avec les chercheurs du CGS à travers des stages qu'ils ont effectués au LGIT (octobre et décembre 2002), puis aux missions effectuées à la suite du séisme de Boumerdès comportant une campagne d'enregistrement du bruit de fond (été 2003) et une mission de travail sur ces mesures (octobre 2003).

Effets de site, microzonage sismique

Analyse des conditions de site des stations accélérométriques

Les mesures de bruit de fond, soit ponctuelles avec traitement H/V, soit en réseau, permettront de préciser les conditions de site. Les enregistrements de répliques obtenus grâce aux stations RAM (mesures de l'été 2003) devraient aussi permettre (inversion généralisée, fonction récepteur) un travail complémentaire sur les effets de site.

Pour les séismes à venir, et pour une meilleure interprétation des enregistrements passés, il faut connaître les conditions de chaque site d'enregistrement permanent. Les enregistrements de bruit de fond (notamment en réseau) systématiques, sur plusieurs centaines de sites, programmés sur plusieurs années, ont débuté en 2005. La priorité est donnée dans un premier temps aux stations voisines des grands centres urbains, et en particulier l'Algérois, et, parmi elles, aux stations numériques.

Interprétation de la distribution des dommages

Les fortes variations spatiales des dommages observées en maints endroits lors du séisme de Boumerdès peuvent être dues soit à des conditions de site très variables, soit à des vulnérabilités très variables d'un bâtiment à l'autre, soit enfin à une complexité intrinsèque du champ d'ondes sismiques qui induirait des variabilités "aléatoires". Au cours de l'été 2003, des stations temporaires ont été installées sur quelques sites représentatifs (choisis en fonction des dommages observés et de la géologie/géotechnique connue), et de très nombreux enregistrements de bruit de fond ont été effectués en vue d'une cartographie de la fréquence fondamentale du sol obtenue par traitement H/V; elles ont été complétées en quelques endroits par des mesures en réseau dense pour inverser la structure en vitesse. L'analyse des résultats, encore préliminaire, semble indiquer que l'hypothèse "effets de site" n'est pas pertinente pour expliquer la grande variabilité spatiale des dommages.

Etudes de microzonage sismique

La ville d'Alger est elle-même fortement exposée au risque sismique, à tel point que certaines administrations envisagent un déménagement de leurs activités de la capitale. Compte tenu des résultats obtenus dans le cadre du projet SESAME, nous proposons des études de microzonage sismique fiables, sur la base d'un couplage entre mesures systématiques H/V et calibration par des enregistrements de bruit de fond en réseau, ainsi que des enregistrements sismiques. Ces études ont débuté dans la région d'Alger :

détermination de la fréquence fondamentale du sol suivant un maillage régulier (300 à 500 m) ;

détermination en parallèle des zones et/ou bâtiments à protéger en priorité, en concertation avec les décideurs (politiques, économiques…) et des chercheurs en sciences sociales ;

étude plus détaillée des zones identifiées à l'étape précédente (calibration avec d'autres méthodes : réseau bruit de fond, enregistrements sismiques sur réseau temporaire).

Estimation des mouvements forts

Des enregistrements accélérométriques du choc principal ne sont disponibles que sur un nombre limité de sites. L'objectif est d'obtenir des estimations aussi fiables que possible sur toute la zone affectée par le séisme de 2003. Deux méthodes sont utilisées à cette fin : les lois d'atténuation "classiques" mais bien calibrées, et les méthodes de fonctions de Green empiriques fondées sur des enregistrements de "petits" séismes.

Bâtiments : vulnérabilité physique

Les enregistrements de bruit de fond dans les bâtiments permettent de connaître leurs caractéristiques dynamiques (fréquence propre, amortissement ) sous faibles sollicitations. Les mesures effectuées en juillet - août 2003 dans plus de 60 bâtiments situés essentiellement dans la région épicentrale, ont eu plusieurs objectifs :

Comparaison des fréquences des bâtiments et du sol: Si les fréquences du sol et des bâtiments correspondent, il peut apparaître un phénomène de résonance qui expliquerait les dégâts observés dans certaines zones plutôt que d'autres;

Etude de la diminution des fréquences en fonction de l'endommagement. Les cités comprennent souvent un ensemble de bâtiments construits selon les mêmes plans, à la même époque et par les mêmes entreprises. Ces bâtiments doivent êtres a priori identiques et avoir les mêmes fréquences. Nous avons donc essayé de corréler les fréquences de ces bâtiments aux dégâts causés par le séisme et constatés par le classement Vert, Orange et Rouge. Les observations faites à Boumerdès (Dunand, 2005) sont encourageantes car elles montrent une bonne corrélation entre la diminution de fréquence et le niveau d'endommagement. Pour certains bâtiments, nous avons fait des enregistrements de bruit de fond à tous les étages pour déterminer leurs déformées modales afin de voir si il est possible de localiser les dommages causés par le séisme ;

Comparaison avant/après séisme: Le CGS a effectué des enregistrements dans des bâtiments avant le séisme du 21 mai, et nous avons refait des enregistrements dans ces bâtiments après le séisme. En comparant les fréquences obtenues avant et après nous souhaitons évaluer les dégâts causés par le séisme à ces bâtiments;

Comparaison mouvement fort/mouvement faible: Le bruit de fond est une vibration de faible amplitude (0.01g à 0.1g), alors que des séismes destructeurs modérés provoquent des accélérations de 0.4g à 0.7g. Ces deux niveaux de sollicitation étant différents, il peut apparaître un effet non linéaire dans le comportement dynamique des bâtiments. La question qui se pose est de savoir si les fréquences obtenues par des mesures de bruit de fond sont représentatives des fréquences des bâtiments lors des séismes et jusqu'à quel niveau d'accélération.

Ces données sont en cours d'analyse. Elles seront complétées par d'autres mesures du même type pour lever certains doutes et préciser certains points :

Quelle est, dans une cité non touchée par un séisme, la variabilité intrinsèque des fréquences propres de bâtiments en principe identiques ? (afin d'estimer la capacité des mesures de fréquences à étayer le classement en vert/orange/rouge).

Peut-on localiser plus précisément l'endommagement à l'aide des mesures de déformées modales?

Dans la ville d'Alger (en dehors de la zone épicentrale du séisme de Boumerdès), quelles sont les zones où la coincidence d'effets de site et de fréquences propres de bâtiments dans la gamme de fréquence amplifiée accroît considérablement le risque ?

En outre, nous envisageons d'obtenir des réponses plus complètes en coopérant avec le CGS pour instrumenter plus de bâtiments de façon permanente, et les mesurer systématiquement sous vibrations ambiantes.

Vulnérabilité sociale

Le séisme de Boumerdès et ses conséquences sociales constituent un terrain de recherche interdisciplinaire majeur pour le développement d'une politique parasismique préventive. Comme après les séismes d'Orléansville en 1954 et d'El Asnam en 1980, l'expérience acquise lors de la réorganisation face à la crise prépare l'amélioration des procédures de gestion du risque sismique en Algérie comme en France. Aux analyses de géophysique s'ajoute l'opportunité, rare dans un cadre francophone, de comprendre les conditions de vulnérabilité d'une population en pleine croissance démographique.

Au delà de l'analyse de la gestion de crise et de la réorganisation, les enjeux de l'urbanisation en zone sismique sur le littoral méditerranéen exigent de s'intéresser aux choix politiques d'aménagement du territoire suscités par le séisme en Algérie. En effet, dans un contexte social représentatif des sociétés en mutation (conflits politiques, évolution culturelle, transition économique, croissance démographique, lacunes de logement), la réorganisation des services de secours, la création d'une agence gouvernementale dédiée aux risques naturels, la promulgation de nouvelles références de construction parasismique la révision du zonage macro-sismique, le développement systématique du micro-zonage, le transfert éventuel de la capitale constituent des décisions politiques tournées vers l'avenir.

Inspirés par l'expérience, ces projets sont de nature à modifier le paysage urbain et transformer les relations sociales. Ils exigent en effet de prendre en compte les intérêts actuellement en jeu parmi les acteurs de la gestion du risque. Sous la tutelle publique, autour d'une réduction de la vulnérabilité, de manière formelle ou informelle, s'ouvre un débat public pour redéfinir les relations entre experts, professionnels de la construction, habitants-consommateurs, administrations et autorités publiques (locales et nationales). Outre des apprentissages pratiques en matière de gestion de crise, les observations possibles sur ce vaste chantier sont nécessaire pour interroger avec plus de pertinence les transformations des politiques de prévention en Europe. Ainsi, les difficultés d'identification de responsabilités lors de la réorganisation post-sismique en Algérie représentent autant d'occasions de s'interroger sur les blocages possibles en Europe dans le contexte de multiplication des autorités compétentes (décentralisation et unification européenne), de judiciarisation et de transition économique (désinvestissement étatique, internationalisation des entreprises).

En prolongeant les observations du retour d'expérience effectuées depuis mai 2003, il s'agit d'accompagner la réorganisation de la population algérienne et éventuellement de mettre à disposition une expertise pour les politiques d'aménagement durable du territoire.

L'intégration dans l'équipe de géophysique du LGIT spécialisée sur les questions de risque sismique permet de participer aux recherches sur les enjeux du micro-zonage dans la définition et la mise en oeuvre d'une prévention du risque sismique.

La caractérisation des conditions géophysiques locales par le microzonage permet aux populations d'adapter l'urbanisme, l'architecture et la distribution des activités sur le territoire. Cette expertise provoque cependant l'apparition de nouvelles contraintes dans les relations entre les acteurs (relations synchroniques et intergénérationnelles). Le travail entrepris sur ce chantier permet de suivre la constitution du dossier depuis le constat post-sismique jusqu'à la mise en œuvre effective des solutions en passant par la production de connaissances, les échanges expertise-pouvoirs publics, les négociations entre pouvoirs publics et acteurs concernés (population, professionnels, administrations) . Les contraintes supplémentaires suscitées par la connaissance de l'aléa local représentent, une fois adoptées dans la réglementation locale, les paramètres du risque acceptable.

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