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Bonjour à tous,

Dimanche pluvieux, 12 degrés, un fort ennuis alors je poste :huh:

La justification des voiles par passes est souvent négligée dans les rapports des géotechniciens, laissant ainsi seul le structuraliste ou l'entreprise pour justifier notamment les massifs au pied des butons (cela rejoint la discussion lancée par @Bellamine).

Je vous propose ici un petit utilitaire appelé "KaMEL" qui comme son nom l'indique utilise le coefficient de poussée des terres (Ka) et la Méthode d'Equilibre Limite (MEL) pour étudier rapidement les efforts dans un voile, les butons et le massif.

2 petites précautions avant :

  • ce petit utilitaire que vous pouvez utiliser gratuitement sur le site lelabgeolpack.com, dans la rubrique "utilitaires" accessible sur le menu de gaucheimage.png.14fec91cf2fcb5ffdf4a2430d7615603.png DOIT être utilisé uniquement en avant-projet. Pour les phases PRO ou EXE je vous conseille fortement d'utiliser une approche MISS
  • les équations de la statique ne permettent pas d'évaluer les déplacements. Par ailleurs, ces équations ne tenant pas compte de la rigidité des éléments, elles ont tendance à sous estimer (ou sur estimer) les moments par rapport à un vrai calcul MISS. 

Ceci étant dit, prenons un exemple que l'on retrouve souvent sur de nombreux documents disponibles sur internet. On propose de considérer ici le cas d'un projet de construction d'un bâtiment sur 2 niveaux de sous-sols. Les terrassements sont prévus entièrement en voiles de béton projeté mis en œuvre par bandeaux et par passes alternées, butonnés sur 6.25 mètres de hauteur !

On suppose un limon sableux avec les caractéristiques suivantes :

image.png.6d16575ad49de6c75c0e291a1e752207.png

A court terme, en considérant les caractéristiques non drainées, les terrassements vont pouvoir se faire par bandeaux de image.png.50164423f608c09eeec1548d0098793d.pngmètres de hauteur (déduction faites de l'abaque de Taylor-Biarez) sur laquelle on va appliquer un coef. de sécurité de 1.50 soit des bandeaux de 2.00 mètres de hauteur environ.

Au fur et à mesure de la réalisation des bandeaux, on va mettre en place des butons qui seront repris sur des massifs. Je ne peux pas détailler ici toutes les étapes mais à la fin on aura quelque chose ressemblant à ça :

image.png.b773453b911c7446a1521af4830664c4.pngSur cette image, une 1ere rangée de buton s'écartant de 40° du voile, est mise en place à 4.65 m de hauteur, et une seconde rangée à 1.15 m de hauteur. Pour limiter l'inclinaison du massif au pied des butons, la première rangée de butons devra s'écarter du voile avec un angle si possible inférieur à 45°.

Sur 6.25 m de hauteur, en considérant les caractéristiques effectives des limons (phy' = 33° et C' = 0), la poussée des terres est alors de Ka.y.H => avec Ka = tan²(pi/4 - phy/2) = 0.295 => 0.295 x 19 x 6.25 = 35 kN/ml.

Notre calcul étant un calcul MEL, on appliquera un coef. de 1.35 aux actions permanentes et 1.50 aux actions variables. Soit une poussée des terres de 35 x 1.35 = 47.25 kN/ml. La distribution étant triangulaire, elle s'applique ici au tiers de la hauteur (2.083 mètres) et la poussée totale des terres est de 47.26 x 6.25 / 2 = 147.69 kN/ml.

On peut également envisager la présence d'une surcharge infinie en tête de voile, il vient alors pour une surcharge de 20 kPa :

image.png.d88dffdff31bd907f6f241cff90b3913.pngUne poussée pondérée par 1.50 de 55.28 kN/ml appliquée à mi-hauteur (3.13 m).

On pourrait également avoir un bâtiment existant avec des semelles filantes proches du voile :

image.png.9bde6a323dff2be0624be254b99f1608.pngIci par exemple, une semelle enterrée de 1.00 mètre (cote 5.25) de 1 mètre de large chargée à 8 T/ml...etc...l'utilitaire permet plusieurs cas de figure.

Nous retiendrons ici une surcharge infinie de 20 kPa en surface à l'arrière du voile. En assimilant le voile à une poutre sur 3 appuis simples (le pied du voile et les 2 butons), les équations de la statique nous donnent 3 équations d'équilibre : en translation ΣFx = 0 et ΣFy = 0 et en rotation ΣMz = 0.

ETAPE 1 : REACTIONS AU NIVEAU DES BUTONS

On peut schématiser notre voile comme ci-dessous :

image.png.f8fc6cec6cc895610ba078f1a78fd75a.png

Aux points A et B, la somme des moments est nulle, soit en A :

image.png.4250f0f8fcfccc6b915d81a912b4e69a.png

Et la somme des efforts appliqués selon y sur la poutre est nulle, soit :

image.png.295e51cb0785fa0f3b3fe78fbaa3c3f0.png

Il est donc très simple d'isoler R1 dans la première formule, et de le substituer dans la seconde formule pour trouver facilement la valeur numérique de R2, puis celle de R1. Si on veut, on peut aussi isoler les actions :

image.thumb.png.afe41f4492178995b40a8c24e85bc845.png

 

En considérant des butons espacés de 2.50 mètres, il vient :

- dans les butons fixés à 4.65 mètres de hauteur : R = 39.38 + 31.19 = 70.57 x 2.50 = 176.44 kN

- dans les butons fixés à 1.15 mètre de hauteur : R = 108.30 + 24.08 = 132.38 x 2.50 = 330.97 kN

En considérant les inclinaisons des butons il vient :

- dans les butons fixés à 4.65 mètres de hauteur : 176.44 / sin(90°-40°) = 230.32 kN - la longueur du buton est de 6.74 mètres à laquelle on ajoutera 20 cm pour permettre de s'adapter en phase chantier...pour des butons de type tubes acier de 20 cm de diamètre, vous pouvez alors vérifier le tube selon l'EC3 avec l'utilitaire "TubeAcier" également disponible gratuitement sur le site lelabgeolpack.com 

- dans les butons fixés à 1.15 mètre de hauteur : 330.97 / cos (90°-70°) = 352.21 kN - avec une longueur de 4.94 mètres à laquelle on ajoutera 20 cm pour adaptation sur chantier.

Soit :

image.png.cb415fe20e41b99ec6c3d2f4dec4c963.png

 

ETAPE 2 : JUSTIFICATION DU MASSIF

On suppose que des essais pressiométriques réalisés avant le démarrage du chantier ont permis d'obtenir une Ple* au niveau de l'assise du massif de l'ordre de 1000 kPa. On retiendra également Kp = 0.80 (cas défavorable). Pour bénéficier d'un iδ = 1 on va incliner le massif de manière à ce que la résultante des efforts dans les butons s'applique verticalement. En pondérant l'inclinaison des butons par l'intensité des charges, on trouve une inclinaison du massif de 27.70°. On fixe maintenant la distance d = 0.50 mètre correspondant à la distance entre la base du massif et la surface en fond de fouille. Par itérations on trouve iβ = 0.86 et les dimensions suivantes du massif : 1.20 x 1.20 mètre :

image.png.ad84da468abbd583fca408487d749594.png

En considérant maintenant le diamètre b = 0.20 mètre des butons, la dimension B = 1.20 mètre du massif, il vient une épaisseur minimale de 0.26 mètre pour garantir sa rigidité ( (B-b)/4 < d < (B-b))...et avec des aciers fy = 500 MPa et Ys = 1.15 on trouve une section d'acier minimale de 6.78 cm² par sens (soit 2 x 6HA12) :

image.png.fb1fc1a87a1bc0c721c242efba3c59e7.png

ETAPE 3 : DETERMINATION DES EFFORTS DANS LE VOILE

Ce site étant principalement fréquenté par des structuralistes je ne vais pas ici commettre l'affront de détailler le calcul des courbes de moments et d'efforts tranchants dans le voile. A partir des équations de la statique, tranche par tranche, ici selon un pas de 5 cm, on obtient facilement les courbes suivantes :

image.png.71fb751d0bf90a41ef0994c292ded09d.png

Il ne reste plus au structuraliste qu'à dimensionner les armatures du voile au niveau de la travée, au niveau des appuis et des bandes noyées (:D)

CONCLUSIONS ET REMARQUES COMPLEMENTAIRES

L'utilisation de l'utilitaire "KaMEL" permet donc de faire rapidement un pré-dimensionnement d'un voile par passes, butonné, cependant, en phase EXE vous devrez nécessairement passer par un calcul MISS.

Pour infos, la comparaison des résultats obtenus avec KREA (calcul MISS) et KaMEL (calcul MEL) pour l'exemple développé précédemment montre les différences suivantes :

image.png.fa9ee8a221100c981ce0faa614c4f10c.png

On remarque des rapports de l'ordre de 5 à 9% pour l'ensemble des valeurs sauf pour le moment min ou le ratio est beaucoup plus élevé au niveau du "ventre mou" de la paroi.

Au final, cette méthode analytique reste acceptable en avant-projet notamment pour l'estimation des réactions au niveau des butons et des efforts de cisaillement. Par contre, il est nécessaire d'appliquer une majoration aux moments pour rester dans des ordres de grandeurs proches de ceux obtenus avec la méthode MISS. A priori un coefficient de majoration de 1.20 appliqué aux moments peut permettre de compenser ces écarts.

Voilà, voilà, bon dimanche.

Bien à vous

 

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comment_146172

Il suffit de renforcer au niveau de chaque buton et sur toute la largeur du bandeau, par une tige rigide (IPE par exemple) pour que le modèle de calcul statique 2D en poutre simplement appuyée soit plus proche de la réalité.

Plus le buton est proche du point de passage de la résultante des efforts de poussée, plus le moment fléchissant max est réduit contre une augmentation de l'effort de compression de la tige en contrefort.

L'idéal est de repartir les efforts de tel sorte à faire contribuer l'ensemble des éléments du système.

Cdlt

  • Auteur
comment_146174

Bonjour @CHARIH,

Pour compléter la réponse de @BELLAMINE, on peut réaliser aussi des "bandes noyées" au sein du voile au niveau des lignes d'appuis des butons. Les armatures du voile sont donc renforcées au niveau de ces lignes d'appuis, et les armatures de ces lignes d'appuis sont elles-mêmes renforcées au niveau des points d'appuis des butons.

C'est pourquoi l'étude du voile est importante pour prévoir à l'avance la position des butons et le placement correct des armatures. Pour cela il est nécessaire de dessiner le voile en élévation pour reporter les impacts des bandes noyées, corbeaux et butons.

Pour une disposition "optimale" des butons il n'y a pas de règles :

  • dans le sens longitudinal :
    • plus l'entraxe entre les butons sera grand et plus l'effort sur les butons et semelles sera important => si on peut toujours trouver des butons plus rigides, au niveau du sol par contre, la limite est liée à la capacité portante et donc aux dimensions des semelles, et au tassements de celles-ci.
    • à l'inverse, pour un entraxe trop petit (< 2.00 - 2.50 m) l'espace de travail dans chaque passe devient très étroit et la densité de butons sur le chantier risque de devenir contraignante.
  • dans le sens vertical :
    • plus les butons seront éloignés et plus le "ventre" du voile sera sollicité ce qui va nécessité un voile plus épais ou des armatures plus denses. Par ailleurs, la reprise de la poussée sera concentrée sur le buton bas ce qui pourra poser un problème d'équilibre de l'ensemble notamment au niveau de la semelle,
    • à l'inverse, si les butons sont trop rapprochés, alors ce sont les extrémités du voiles (en console) qui risquent de souffrir

En résumé :

Il y a 2 heures, BELLAMINE a dit :

 

L'idéal est de repartir les efforts de tel sorte à faire contribuer l'ensemble des éléments du système.

 

Cordialement

  • Auteur
comment_146177

Bonsoir @CHARIH,

Concernant l'inclinaison des butons, là aussi tout est question d'équilibre et de contexte.

Si on est dans le cas de 2 voiles en vis-à-vis, les butons peuvent être horizontaux et s'appuyer de chaque coté sur les voiles. Dans cette disposition la raideur axiale des butons est partagée entre les deux voiles. La justification d'un voile se fait donc en considérant une demi-longueur utile de buton.

Si les butons sont inclinés (bracons) et appuyés sur une semelle alors :

  • la semelle peut être :
    • isolée, horizontale ou inclinée : il faut alors tenir compte de la raideur de la semelle dans l'axe de l'effort => en fonction de l'inclinaison de la semelle par rapport à l'inclinaison α du buton, il faut faire une correction de la raideur en la multipliant par (sinα)²,
    • filante, horizontale (difficile d'envisager une semelle filante inclinée !:D) : il faut là aussi faire une correction sur la raideur et tenir compte de l'entraxe "e" des butons en multipliant la raideur par 1/e
  • et pour les butons :
    • leur raideur horizontale correspond à leur raideur axiale multipliée par (cos α)² => par conséquent, plus ils sont inclinés et moins ils opposent de résistance au déplacement latéral du voile (logique !),
    • donc, le buton du haut étant le moins chargé, il est logique que dans ce schéma il soit le plus incliné...et à l'inverse, le buton du bas étant le plus chargé, il est logique qu'il soit le plus près possible de l'horizontale,
    • l'important est de trouver l'équilibre entre inclinaison/réduction de raideur horizontale/charge/et report sur la semelle => l'utilisation d'un schéma sur lequel on dessine des vecteurs orientés appliqués sur la semelle permet de trouver les dispositions envisageables.

Cordialement

 

  • Auteur
comment_146180

Dans le cas d'un voile par passes oui...sinon ça tombe !

(sauf si vous terrassez contre un rocher sain non fracturé...mais dans ce cas plus besoin de faire du VPP...c'est un autre sujet)

comment_146181

Concernant le matériau constitutif du béton est ce qu'il est préfréable de recourir au métal ou au bois.

Pour les bois quelles sont les essences utilisées?

Merci.

  • Auteur
comment_146182

Un buton est un buton. Qu'il soit en béton armé, en acier ou en bois peu importe, l'important c'est qu'il soit correctement dimensionné, selon l'EC2 pour le béton armé, l'EC3 pour l'acier ou l'EC5 pour le bois.

Le choix est donc fonction des ressources disponibles localement autour du chantier.

Je ne suis pas spécialiste du bois mais je sais que les mineurs autrefois, lorsqu'ils devaient installer des chandelles en fond de mine pour soutenir le toit, se méfiaient des essences de bois trop rigides (comme le chêne par exemple) car elles ont tendances à casser d'un coup (rupture "fragile") et préféraient des essences plus filandreuses (type sapin) qui avaient le gros avantage de plier avant de casser. Ils pouvaient ainsi renforcer leur dispositif avant que le toit de la mine leur tombe dessus ;).

Cependant, si vous respectez les recommandations de l'EC5 dans votre dimensionnement alors quelle que soit l'essence retenue, si votre dimensionnement est correct il ne devrait pas y avoir de problème.

Cordialement

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