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comment_145324

Bonjour à tous,

Dimanche pluvieux, 12 degrés, un fort ennuis alors je poste :huh:

La justification des voiles par passes est souvent négligée dans les rapports des géotechniciens, laissant ainsi seul le structuraliste ou l'entreprise pour justifier notamment les massifs au pied des butons (cela rejoint la discussion lancée par @Bellamine).

Je vous propose ici un petit utilitaire appelé "KaMEL" qui comme son nom l'indique utilise le coefficient de poussée des terres (Ka) et la Méthode d'Equilibre Limite (MEL) pour étudier rapidement les efforts dans un voile, les butons et le massif.

2 petites précautions avant :

  • ce petit utilitaire que vous pouvez utiliser gratuitement sur le site lelabgeolpack.com, dans la rubrique "utilitaires" accessible sur le menu de gaucheimage.png.14fec91cf2fcb5ffdf4a2430d7615603.png DOIT être utilisé uniquement en avant-projet. Pour les phases PRO ou EXE je vous conseille fortement d'utiliser une approche MISS
  • les équations de la statique ne permettent pas d'évaluer les déplacements. Par ailleurs, ces équations ne tenant pas compte de la rigidité des éléments, elles ont tendance à sous estimer (ou sur estimer) les moments par rapport à un vrai calcul MISS. 

Ceci étant dit, prenons un exemple que l'on retrouve souvent sur de nombreux documents disponibles sur internet. On propose de considérer ici le cas d'un projet de construction d'un bâtiment sur 2 niveaux de sous-sols. Les terrassements sont prévus entièrement en voiles de béton projeté mis en œuvre par bandeaux et par passes alternées, butonnés sur 6.25 mètres de hauteur !

On suppose un limon sableux avec les caractéristiques suivantes :

image.png.6d16575ad49de6c75c0e291a1e752207.png

A court terme, en considérant les caractéristiques non drainées, les terrassements vont pouvoir se faire par bandeaux de image.png.50164423f608c09eeec1548d0098793d.pngmètres de hauteur (déduction faites de l'abaque de Taylor-Biarez) sur laquelle on va appliquer un coef. de sécurité de 1.50 soit des bandeaux de 2.00 mètres de hauteur environ.

Au fur et à mesure de la réalisation des bandeaux, on va mettre en place des butons qui seront repris sur des massifs. Je ne peux pas détailler ici toutes les étapes mais à la fin on aura quelque chose ressemblant à ça :

image.png.b773453b911c7446a1521af4830664c4.pngSur cette image, une 1ere rangée de buton s'écartant de 40° du voile, est mise en place à 4.65 m de hauteur, et une seconde rangée à 1.15 m de hauteur. Pour limiter l'inclinaison du massif au pied des butons, la première rangée de butons devra s'écarter du voile avec un angle si possible inférieur à 45°.

Sur 6.25 m de hauteur, en considérant les caractéristiques effectives des limons (phy' = 33° et C' = 0), la poussée des terres est alors de Ka.y.H => avec Ka = tan²(pi/4 - phy/2) = 0.295 => 0.295 x 19 x 6.25 = 35 kN/ml.

Notre calcul étant un calcul MEL, on appliquera un coef. de 1.35 aux actions permanentes et 1.50 aux actions variables. Soit une poussée des terres de 35 x 1.35 = 47.25 kN/ml. La distribution étant triangulaire, elle s'applique ici au tiers de la hauteur (2.083 mètres) et la poussée totale des terres est de 47.26 x 6.25 / 2 = 147.69 kN/ml.

On peut également envisager la présence d'une surcharge infinie en tête de voile, il vient alors pour une surcharge de 20 kPa :

image.png.d88dffdff31bd907f6f241cff90b3913.pngUne poussée pondérée par 1.50 de 55.28 kN/ml appliquée à mi-hauteur (3.13 m).

On pourrait également avoir un bâtiment existant avec des semelles filantes proches du voile :

image.png.9bde6a323dff2be0624be254b99f1608.pngIci par exemple, une semelle enterrée de 1.00 mètre (cote 5.25) de 1 mètre de large chargée à 8 T/ml...etc...l'utilitaire permet plusieurs cas de figure.

Nous retiendrons ici une surcharge infinie de 20 kPa en surface à l'arrière du voile. En assimilant le voile à une poutre sur 3 appuis simples (le pied du voile et les 2 butons), les équations de la statique nous donnent 3 équations d'équilibre : en translation ΣFx = 0 et ΣFy = 0 et en rotation ΣMz = 0.

ETAPE 1 : REACTIONS AU NIVEAU DES BUTONS

On peut schématiser notre voile comme ci-dessous :

image.png.f8fc6cec6cc895610ba078f1a78fd75a.png

Aux points A et B, la somme des moments est nulle, soit en A :

image.png.4250f0f8fcfccc6b915d81a912b4e69a.png

Et la somme des efforts appliqués selon y sur la poutre est nulle, soit :

image.png.295e51cb0785fa0f3b3fe78fbaa3c3f0.png

Il est donc très simple d'isoler R1 dans la première formule, et de le substituer dans la seconde formule pour trouver facilement la valeur numérique de R2, puis celle de R1. Si on veut, on peut aussi isoler les actions :

image.thumb.png.afe41f4492178995b40a8c24e85bc845.png

 

En considérant des butons espacés de 2.50 mètres, il vient :

- dans les butons fixés à 4.65 mètres de hauteur : R = 39.38 + 31.19 = 70.57 x 2.50 = 176.44 kN

- dans les butons fixés à 1.15 mètre de hauteur : R = 108.30 + 24.08 = 132.38 x 2.50 = 330.97 kN

En considérant les inclinaisons des butons il vient :

- dans les butons fixés à 4.65 mètres de hauteur : 176.44 / sin(90°-40°) = 230.32 kN - la longueur du buton est de 6.74 mètres à laquelle on ajoutera 20 cm pour permettre de s'adapter en phase chantier...pour des butons de type tubes acier de 20 cm de diamètre, vous pouvez alors vérifier le tube selon l'EC3 avec l'utilitaire "TubeAcier" également disponible gratuitement sur le site lelabgeolpack.com 

- dans les butons fixés à 1.15 mètre de hauteur : 330.97 / cos (90°-70°) = 352.21 kN - avec une longueur de 4.94 mètres à laquelle on ajoutera 20 cm pour adaptation sur chantier.

Soit :

image.png.cb415fe20e41b99ec6c3d2f4dec4c963.png

 

ETAPE 2 : JUSTIFICATION DU MASSIF

On suppose que des essais pressiométriques réalisés avant le démarrage du chantier ont permis d'obtenir une Ple* au niveau de l'assise du massif de l'ordre de 1000 kPa. On retiendra également Kp = 0.80 (cas défavorable). Pour bénéficier d'un iδ = 1 on va incliner le massif de manière à ce que la résultante des efforts dans les butons s'applique verticalement. En pondérant l'inclinaison des butons par l'intensité des charges, on trouve une inclinaison du massif de 27.70°. On fixe maintenant la distance d = 0.50 mètre correspondant à la distance entre la base du massif et la surface en fond de fouille. Par itérations on trouve iβ = 0.86 et les dimensions suivantes du massif : 1.20 x 1.20 mètre :

image.png.ad84da468abbd583fca408487d749594.png

En considérant maintenant le diamètre b = 0.20 mètre des butons, la dimension B = 1.20 mètre du massif, il vient une épaisseur minimale de 0.26 mètre pour garantir sa rigidité ( (B-b)/4 < d < (B-b))...et avec des aciers fy = 500 MPa et Ys = 1.15 on trouve une section d'acier minimale de 6.78 cm² par sens (soit 2 x 6HA12) :

image.png.fb1fc1a87a1bc0c721c242efba3c59e7.png

ETAPE 3 : DETERMINATION DES EFFORTS DANS LE VOILE

Ce site étant principalement fréquenté par des structuralistes je ne vais pas ici commettre l'affront de détailler le calcul des courbes de moments et d'efforts tranchants dans le voile. A partir des équations de la statique, tranche par tranche, ici selon un pas de 5 cm, on obtient facilement les courbes suivantes :

image.png.71fb751d0bf90a41ef0994c292ded09d.png

Il ne reste plus au structuraliste qu'à dimensionner les armatures du voile au niveau de la travée, au niveau des appuis et des bandes noyées (:D)

CONCLUSIONS ET REMARQUES COMPLEMENTAIRES

L'utilisation de l'utilitaire "KaMEL" permet donc de faire rapidement un pré-dimensionnement d'un voile par passes, butonné, cependant, en phase EXE vous devrez nécessairement passer par un calcul MISS.

Pour infos, la comparaison des résultats obtenus avec KREA (calcul MISS) et KaMEL (calcul MEL) pour l'exemple développé précédemment montre les différences suivantes :

image.png.fa9ee8a221100c981ce0faa614c4f10c.png

On remarque des rapports de l'ordre de 5 à 9% pour l'ensemble des valeurs sauf pour le moment min ou le ratio est beaucoup plus élevé au niveau du "ventre mou" de la paroi.

Au final, cette méthode analytique reste acceptable en avant-projet notamment pour l'estimation des réactions au niveau des butons et des efforts de cisaillement. Par contre, il est nécessaire d'appliquer une majoration aux moments pour rester dans des ordres de grandeurs proches de ceux obtenus avec la méthode MISS. A priori un coefficient de majoration de 1.20 appliqué aux moments peut permettre de compenser ces écarts.

Voilà, voilà, bon dimanche.

Bien à vous

 

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  • Auteur
comment_146267

Bonsoir @CHARIH,

C'est un très gros sujet !!

Impossible de parler de modules de réaction sans parler de modules tout court, et des modules en géotechnique il y en a beaucoup ! Et en plus, la plupart sont variables en fonction du niveau de la contrainte appliquée.

Bref, tout ça pour vous dire que le sujet que vous me demandez de développer demande beaucoup d'investissement en temps..et j'en manque.

Donc je vous propose de lancer le sujet vous-même en commençant par exposer clairement vos premières questions. Et de questions en questions, avec les réponses qui seront apportées par l'ensemble des lecteurs (et je répondrai aussi dans la mesure de mes capacités), on devrait pouvoir ensemble réussir à traiter une bonne partie du sujet.

Cordialement

Modifié par lelab

  • 1 mois après...
comment_147183
Le 27/09/2020 à 14:13, lelab a dit :

39.38

Bonjour,

c'est bien ces calculs géotechnique mais comment calculer avec effet de voute de Kowalewski en utilisant la méthode de MARCO alpfa pour justifier l'ouverture de passes par exemple 6mx2m de haut je sais que de base nous calculons la poussée des terres à voir s'il y a la surcharge, l'eau ou effet de surcharge etc. après comparer avec la cohésion de terrain en prenant un coefficient de sécurité mais avant faire cette comparaison il faut également calculer fmax (L/2x tan fi ) selon Kowalewski 

f calculé

alpa calculé 

alfa calculé par iteration 

composante horizontale frottement 

coefficient de poussée équivalent Ka etc 

 

je maitrise pas cette dernière partie, je sais pas si vous voyez de quoi je parle ou s'il y a quelqu'un peut nous éxpliquer cette partie de calcul et comment le programmer sur Excel et c'est quoi les coefficients devrons nous prendre en considération.

 

Bien à vous

  • 3 mois après...
  • Auteur
comment_149136

Bonsoir @ilyass chairi,

Pour quelle raison utiliser un logiciel ? On ne parle QUE d'un voile par passes ! A partir du moment où vous avez les efforts et l'épaisseur du voile alors, un papier, un crayon, le principe de ferraillage des dalles pleines, une calculatrice et hop le tour est joué !

Essayez de le faire d'abord manuellement puis automatisez ensuite le calcul avec un tableur excel.

Cordialement

  • 9 mois après...
comment_154592

bonjour

sujets très intéressant, merci!

par contre j'ai une question concernant l'étude de cas. comment est assurée la stabilité de la passe lorsque la fondation superficielle est redescendue??

merci d'avance

  • 4 mois après...
comment_157255

Normalement lorsque les butons sont mis en œuvre, on creuse plus profond que le niveau de la fouille et on les met directement à leur cote définitive. Des butons provisoires sont mises en oeuvre afin de stabiliser la paroi le temps d'activer les butons définitifs.

 

Bonjour @lelab,

C'est un formidable travail que d'avoir conçu ce logiciel de VPP avec la méthode MEL. Il permet de faire les calculs très rapidement pour avoir une ordre d'idée de la faisabilité d'un projet.

Pour ma part j'utilise les logiciels PLAXIS et RIDO pour le calcul avec la méthode MISS.

Je suis curieux de la façon d'utiliser K-REA pour le dimensionnement des VPP, K-REA ne permettant pas de définir une fiche par phase, mais la considère comme commune à toutes les phases.

Est-ce que vous faites du coup un modèle pour chaque phase ? Ou alors vous appliquez une raideur unitaire sur la portion de la fiche qui n'est pas encore découverte pour la rendre fictive ?

Si c'est le deuxième cas de figure, est-ce que cela ne gène pas la détermination de la raideur Kh des sols vu qu'elle dépend du produit inertiel avec la méthode de Schmitt ? Ou vous switchez sur les abaques de Chadeisson dans ce cas de figure ?

 

Cordialement,

  • Auteur
comment_157318

Bonsoir @Lorazur

Merci.

Effectivement sous KREA le plus simple est de réaliser 1 modèle par phase (la deuxième méthode n'étant pas satisfaisante mathématiquement parlant puisque même avec un produit EI très faible, KREA cherchera à calculer la contre-butée).

La difficulté majeure est que contrairement à un soutènement classique, le VPP implique un terrassement à la verticale avant la mise en place du voile. Il y a donc décompression du sol et déplacement avant que le béton du voile ait durci. La méthode MISS n'est donc pas adaptée tout comme KREA qui oblige à positionner le voile avant le terrassement.

Donc KREA est utile pour récupérer les efforts dans le voile MAIS pas les déplacements.

Pour infos : un groupe de travail existe actuellement au CFMS sur ce sujet des VPP. Des recommandations professionnelles devraient bientôt voir le jour et devraient préciser ce qui est envisageable ou non en termes de justifications des VPP.

Cordialement

comment_157398

Bonjour @lelab,

J'ai fait une comparaison par curiosité pour un calcul phasé (2 phases) et un calcul non phasé (modèle définitif) pour les mêmes hypothèses sur K-REA et j'obtiens ça :

image.thumb.png.e3b2b7155ce8d3abb6e4ccad3e59e399.png

 

Les résultats sont assez similaire pour les sollicitations dans le voile. On remarque par contre des efforts légèrement plus important dans le calcul phasé vers la moitié supérieur du voile.

Pour moi cela vient du fait que dans le calcul phasé, lors du terrassement des 2 premiers mètres, le mur a bougé et cela a engendré des efforts supplémentaires à reprendre. En prenant la méthode de calcul de "1 modèle par phase" ces efforts parasites sont négligés.

Les 2 méthodes ayant des résultats presque identique, le EI négligé a bien permis de négliger la contre-butée calculé par K-REA.

Je serais alors d'avis de prendre le cas le plus défavorable pour le dimensionnement, soit le calcul phasé.

Qu'en pensez-vous ?

Vraiment hâte que les recommandations sortent afin d'avoir un cadre un peu plus réglementé :)

J'ai l'habitude de faire le calcul sur PLAXIS mais le projet sur laquelle je travaille actuellement est en zone sismique et je n'ai pas la version avec les calculs dynamiques... Du coup je me renseigne un peu sur ce qui se fait avec les autres logiciels.

  • Auteur
comment_157438

Bonsoir @Lorazur,

 

Je pense que le calcul phasé n'est pas réaliste...mais bon, ce n'est que mon humble avis et sur un tel sujet, nul ne peut prétendre détenir LA vérité. Concernant les futures recommandations du CFMS, même si je pense qu'elles seront probablement "critiquables" sur de nombreux aspects, elles auront au moins le mérite de fixer un cadre commun. Donc je suis d'accord, vivement la publication de ces recommandations pour fixer les pratiques sur chantier.

Bien cordialement

  • 7 mois après...
comment_183175

Bonjour, je débarque un peu tardivement sur ces échanges. J'ai une petite question: la méthode MEL imposant une pondération sur les efforts appliqués (calcul ELU) - pour les comparaisons des efforts et sollicitations avec KRea, vous utilisez bien les résultats ELU de KRea?

Je vais faire quelques calculs comparatifs et voire également l'exploitation des résultats pour les justifications + structurelles (Robot + Geospar ?)

Cordialement,

Ronan

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